Essai Triumph Trophy 1200 SE
La lady d’Hinckley
God save the Queen ! La firme d’Hinckley ose défier la toute puissante firme de Munich sur son créneau de prédilection, les GT ! De quoi revivre la bataille d’Angleterre ? Pas vraiment, cette bataille entre têtes couronnées étant bien plus feutrée. N’empêche, la Trophy SE dispose de sacrés atouts pour revendiquer le trône de la catégorie. Chaussez les patins et suivez le guide dans le salon anglais…
Grand confort + protection + valises de grande capacité + électronique embarquée + gros réservoir de 26 litres = GT sur deux roues. Vous avez deux heures pour me pondre un truc qui ne ressemble pas à une BMW RT. Ben… c’est raté. Certains appelleront cela du plagiat, mais il est difficile de faire une GT qui ne ressemble pas à une GT. La plupart des romans d’heroic fantasy contenant magie, elfes, nains et tout un tas de bestioles moches auront à coup sur des airs de Tolkien, sans en être. Là, c’est pareil. Cette grosse lady ressemble terriblement à sa rivale sise de l’autre côté du Channel (la Manche…), mais il serait beaucoup trop simpliste de la prendre pour une sosie.
Acmé d’acné

La Trophy SE est richement équipée : cela se voit aux nombre de boutons sur les commodos ! Photo : Götz Göppert
En fille de bonne famille, la Trophy SE est richement équipée. Radio, suspensions à réglages électroniques, bulle à réglage électrique, commandes des poignées et selles chauffantes, régulateur de vitesse… Traduction : une boutonnite aigüe. En comptant ceux du démarreur, des warnings, des clignos, des phares et du klaxon (plutôt faiblard, soit dit en passant), on trouve pas moins de 20 boutons, ayant pour certains plusieurs fonctions, sur les commodos de la Trophy. C’est moins que sur une Goldwing, certes, mais l’ensemble n’est pas intuitif du tout.
On finit néanmoins par s’y faire, même si le réglage de la suspension électronique demande plusieurs manipulations. Même topo concernant les valises. Malgré son éducation stricte (Cambridge probablement), cette lady fait l’impasse sur le verrouillage centralisé. Enfin… on se rattrapera sur leur facilité d’usage et leur grande contenance, chacune d’entre elle avalant sans problème un gros casque modulable bien large. Ou une garde-robe digne de ce nom, au choix. Elles bougent de concert, c’est normal, ne paniquez pas. Les deux valises sont reliées par un système mécanique, cela ayant pour finalité de ne pas faire louvoyer la moto à haute vitesse. Ce système a l’air de fonctionner, la moto étant d’une grande stabilité, même en cas de vent latéral. Le volumineux top-case, lui, contient jusqu’à deux casques et est équipé d’une prise 12 V. Pour s’installer dans le confortable sofa, il faut commencer par enjamber la selle, tenter de poser les pieds au sol et essayer de relever Lady Trophy. Même réglée au plus bas (deux positions), la hauteur de selle est assez importante. Conjuguée avec le poids élevé, les manœuvres peuvent vite poser problème en cas de devers ou de gravillons. Privilégiez donc un sol plan ou, mieux, un chauffeur. Le petit vide-poches situé dans le carénage gauche, verrouillé une fois le contact coupé, se chargera de recharger vos appareils électriques (prise 12 V) et de diffuser la musique de votre iTruc ou autre MP3 via la prise USB. La bulle se règle électriquement et dispose d’une amplitude impressionnante. Par contre, il conviendra de manipuler tous ces équipements électriques (suspension, radio, bulle) moteur démarré, afin d’éviter de trop tirer sur la batterie… Démarrer un tel bestiau à la poussette requiert assurément la force d’un lanceur de troncs des Highlands !
Speed Trophy

La maniabilité de la Trophy étonne pour un bébé de plus de 300 kilos, même dès les plus bas régimes. Photo : Götz Göppert
Dès le démarrage, le timbre du trois-cylindres surprend. Rauque, nerveux, il détonne un peu dans cet univers haut de gamme. En fermant les yeux on s’imaginerait presque sur un Speed Triple, pourtant de bien plus basse extraction (cette brute aurait plutôt tendance à hanter Whitechapel que Westminster). Une fois la bulle réglée et la suspension ajustée, la lady décolle sans heurts. Quelle souplesse ! Et quelle agilité ! C’est au guidon de tels vaisseaux que l’on constate à quel point les ingénieurs ont fait progresser les motos. Il y a quelques années, un monstre de plus de 300 kilos avec les pleins n’aurait jamais pu songer défier une moto-école sur un parcours. Aujourd’hui on s’en rapproche. Châssis, boîte et moteur participent pleinement au confort de conduite en zone urbaine, tandis que le cardan se fait tout bonnement oublier. Dès les portes de la City franchies, on peut enfin goûter au plaisir de laisser s’exprimer le triple. Shocking ! Un moteur de course dans un carrosse ! Diantre…
Triple-patte révèle un tempérament simplement explosif dans les tours, conjuguant poussée et allonge dans un vacarme digne d’un Spitfire de la Royal Air Force. Simplement jouissif quand on taquine la Trophy, moins agréable en revanche dans une optique tourisme où ce vacarme finit par perturber l’audition à la longue… Et ce n’est pas le châssis qui vous empêchera de chercher la lady. Suspensions en mode Sport, plus fermes sans passer pour un tronc d’arbre, les virages peuvent être dévorés à bon rythme. Seul un train avant peut-être un peu flou à la limite et un frein arrière mollasson freineront vos ardeurs. Et comme toute dame de la haute société, la Trophy boit avec modération. Mais ce n’est pas poignée dans le coin qu’elle se déguste le mieux.
Queen Mary ?

La Trophy est de cette race de motos qui se déguste autant aux commandes qu’en passager. Photo : Götz Göppert.
En laissant retomber le rythme, on découvre que le paquebot offre une protection sans faille, à même de s’affranchir du crachin britannique comme de la bonne grosse drache. Seules les bottes finissent par être humides. La selle chauffante (voire presque brûlante sur le cran le plus élevé !) s’avère confortable et la position de conduite, relaxante. Les jambes sont toutefois un peu trop pliées vers l’arrière. Encore ces gènes du peuple qui lui donnent des envies de sportivité… La radio s’avère plus que satisfaisante avec une qualité sonore au top. L’ergonomie des commandes et leur éloignement de la poignée oblige toutefois à se concentrer (ou se déconcentrer, c’est selon) pour changer de station ou régler la sono. Quant au passager, il n’a pas à se plaindre. Larges poignées, selle chauffante et prise 12 V dont on se demande bien à quoi elle sert à un tel endroit… Même au plus haut, la bulle génère peu de turbulences. Régulateur de vitesse enclenché, le principal danger devient alors l’endormissement au commandes d’un tel fauteuil.
Alors, copie la Triumph ? Non, ne serait-ce que pour son moteur si expressif, souple et coupleux à bas régimes, rageur dans les tours. Même si on peut lui reprocher un certain manque d’originalité stylistique, on ne peut que rester pantois devant la haut degré de maîtrise de Lady Trophy sur la route. Et on restera également sans voix devant son tarif princier. Mais à y regarder de plus près, si elle est plus cher que ses rivales, elle offre en revanche beaucoup plus d’équipements en série, ce qui rend plus digeste cette addition salée.
BILAN
Cette Trophy 1200 SE se pose comme un véritable pavé dans la mare des GT. Bien que faisant preuve de peu d’imagination sur le plan du design, elle révèle un caractère typiquement Triumph lorsque l’on adopte un rythme soutenu. Confortable, agile, bien équipée et protectrice, la Trophy est une vraie GT, assaisonnée de quelques gènes sportifs. Reste son tarif élevé dans l’absolu et deux trois points sur lesquels la concurrence fait mieux, tels l’ergonomie des commandes ou la maniabilité à l’arrêt. Mais son moteur vaut à lui seul le détour et son équipement de série ne souffre aucun reproche…
FICHE EXPRESS
NOTES (dans la catégorie)
Finition : | 8/10 |
Équipements : | 8/10 |
Confort : | 9/10 |
Protection : | 10/10 |
Moteur : | 9/10 |
Partie-cycle : | 8/10 |
Budget : | 5/10 |
NOTE GLOBALE
8,1/10
ON AIME : | ON N’AIME PAS : |
La protection royale | Le portefeuille d’émir obligatoire… |
Le confort impérial | Les commandes du tableau de bord peu intuitives |
Le moteur sensationnel, surtout dans les tours | Le frein arrière pantouflard |
La maniabilité et l’agilité pour un mastodonte | Le poids élevé, sensible à l’arrêt |

















































Par Simon Palatchi, photos Götz Göppert
Bonjour,
Très beaux clichés que je partage sur la page Facebook dédiée au 1215 Trophy SE (en citant la provenance bien entendu) :
https://www.facebook.com/groups/774095509373947/
Merci
@+ V
Hervé