Face à face : Honda CB 1100 VS Kawasaki W 800 SE
Retour vers le futur
Le rétro, c’est tendance, y’a pas à dire. Mais votre moto, vous la voulez néo-rétro ou rétro-rétro ? Nous avons opposé la récente CB 1100 à la Kawasaki W 800, archétype de la tendance vintage qui sévit chez les constructeurs…
Dans le vintage, deux écoles s’opposent. Ceux qui, à l’instar de Kawasaki ou Triumph, proposent une réplique de leur modèles d’antan répondant à toutes les contraintes modernes (normes antipollution, injection et tout le toutim) sans trop déroger au modèle, et ceux qui proposent une évocation de leur passé, mais qui habille finalement des solutions ultra-modernes. C’est la démarche adoptée en automobile par Fiat, BMW et Volkswagen pour ressusciter leurs 500, Mini et Coccinelle. C’est également ainsi qu’a procédé Honda pour réaliser sa CB 1100. Le public français l’aura attendue longtemps celle-là ! La première présentation du prototype CB 1100 F remonte en effet à… 2007 ! Et encore n’aurions nous jamais dû l’avoir… Mais le public français la réclamait si fort que Honda France a fait le forcing auprès de la maison-mère pour l’importer. Merci ! De prime abord, les deux motos semblent réellement similaires, si ce n’est la disparition de deux cylindres sur la Kawa. Même ligne globale, même phare rond chromé, même petits clignotants ronds, eux aussi chromés, même feu monté sur mât à l’arrière, selle plate avec la marque inscrite dessus et instrumentation à deux compteurs ronds à aiguilles. Ça fleure bon l’ancienne tout ça ! Mais quand nos protagonistes du jour sont réunies, les différences sautent aux yeux.
Bonnet blanc et blanc bonnet ?
Quitte à voyager dans le temps au guidon d’une moto, autant qu’elle ait de la gueule non ? Ben la CB 1100, elle en jette, avec ses chromes et sa livrée rouge grenat. Elle en jette, et elle en impose… La Honda, pourtant plutôt gracile en elle-même, paraîtrait presque massive à côté de la fluette W 800. Son moteur déborde de partout, comme dans les années 70 lorsque démarreur et alternateur prenaient place en bout de vilebrequin. Longue, large, la Honda est également bien plus lourde. Lors des manœuvres à l’arrêt la différence est palpable. Et quand on la regarde, quelque chose cloche, d’un point de vue vintage. La ligne est homogène, élégante avec un soupçon de classe en plus par rapport à la Kawa, rien à redire. Mais si Honda la vante comme une évocation néo-rétro de la CB 750 Four originelle, celle de 1969, il y a comme une erreur de casting.
Plus encore que la ligne du réservoir, ce sont les jantes (évocations des fameuses Comstar) qui ne sont pas à leur place. En effet, les Comstar sont apparues avec le modèle KZ en 1979, qui inaugurait en même temps la ligne Eurostyle (réservoir plus intégré avec les caches latéraux) et le quatre-cylindres double arbre. Avant, c’était la K7, avec encore son feu arrière sur mât et des roues à rayons. Nous chipotons, c’est vrai, face à une Honda qui dégage une réelle prestance mais qui peut dérouter selon où se porte le regard, tantôt trop rétro, tant trop moderne. Elle ressemble plus à la CB 900 finalement… Des considérations dont la W 800 ne s’occupe guère, singeant trait pour trait la W 650 qui la précédait, elle-même descendante en droite ligne de la W1 650 de 1965 (qui elle-même copiait une BSA). Elle est d’ailleurs sûrement descendue un peu trop vite, ayant oublié au passage un maximum d’aspects modernes… Si ce n’était l’injection et la fenêtre digitale à l’intérieur des compteurs, on pourrait vraiment penser avoir affaire à une moto des années 60 ! Doc’, on est en quelle année là ?
Faut kicker où ?
Cette différente approche du vintage se retrouve également dans l’équipement de la moto. Chez Honda, on s’est directement fourni sur les modèles les plus récents. Freinage C-ABS avec étriers à trois pistons à l’avant et trois disques de frein, injection PGM-FI habillement maquillée avec des pièces chromées pour ne pas trop jurer, large fenêtre digitale entre les deux compteurs (qui reprennent le vert originel de ceux de la CB 750 K1 !). Comme toujours chez Honda, tout est à sa place et rien ne dépasse ! C’est propre, moderne et bien rangé. On s’attendrait presque à trouver un éclairage à LED, mais Honda n’a pas poussé le vice du modernisme jusque là. Sous la large et moelleuse selle, on trouve un petit coffre, suffisant pour ranger un antivol et un équipement de pluie. Chez Kawa et bien, c’est plus rock and roll ! Là encore, le temps semble s’être arrêté.
Antique frein à tambour à l’arrière, simple disque à l’avant : tout ceci paraît léger, même s’il y a 31 kilos de moins à stopper. Côté confort, l’assise est aussi agréable que celle de sa rivale du jour, et les commandes tombent là aussi agréablement sous les mains. Le gabarit plus contenu de la W 800 permet en outre de mieux l’appréhender que la CB 1100. A noter que nos adversaires du jour ont toutes les deux pensé aux voyageurs, en proposant de quoi arrimer des sandows, notamment la Honda et ses quatre crochets. Bon Marty, on décolle ?
Grandes heures et des cadences (infernales)
Sur le papier, la messe était dite d’avance. Avec 48 ch (soit 0,0000035 gigawatts ! Mais c’est quoi un gigawatt ?), on se demandait bien comment la W 800 pourrait rivaliser avec la CB 1100 qui propose presque le double. Même avec un peu de plutonium… Seulement voilà, le vintage, c’est aussi du caractère. Et la W 800 en a à revendre, surtout dans cette version Special Edition, qui délaisse les pots saucisson chromés pour des flûtes noires à la sonorité diablement excitante, en option toutefois. Avec pareils mégaphones, le twin pétarade à chaque décélération. Et niveau comportement routier, on retrouve des sensations d’époque, le freinage étant… presque inexistant ! Ça ralentit honnêtement, mais tout excès d’optimisme provoquera des sueurs froides ! Quant aux gros pneus Dunlop Roadmaster, ils tiennent le parquet mais s’avèrent un peu flottants quand on les taquine, avec leurs gros crampons. De toute façon là où on va, on n’a pas besoin de route !
La Honda est à l’extrême opposé. Ultra-rigoureuse dans son comportement routier, armée d’un freinage diabolique et rassurante en toutes circonstances, elle taille la route avec une réelle efficacité, tout juste limitée par une garde au sol faiblarde, la faute à l’écartement prononcé des cale-pieds. Le genre de moto avec laquelle on peut arsouiller un peu sans forcément faire cinq litres de sueur à l’heure ! Même topo côté moteur : ça pousse, avec un côté un peu gras à l’accélération rappelant vaguement la sonorité des vieux quatre-pattes des années 70. Mais la comparaison s’arrête là, l’injection PGM-FI (très au point niveau consommation) étant incapable de reproduire le caractère d’une bonne vieille rampe de carbus. Efficace, le gros 1 140 refroidi par air et huile est surtout assez insipide, montant dans les tours avec force et linéarité. Une sorte de gros élastique au charisme quasi-nul face aux joyeuses détonations de la W 800. Comme quoi… Côté performance, aucune de ces deux machines n’a été pensée pour aller tailler des croupières à Lorenzo sur un circuit, mais on notera la bonne santé du bicylindre Kawasaki, dont on pourrait jurer qu’il crache plus que ses 48 équidés. Une impression peut-être due au vacarme des échappements.
Onze briques ? Nom de d’Zeus !
Bien finie, moderne, dotée d’un comportement sans faille et d’un moteur qui envoie le pâté, la CB 1100 est un bel objet. Elle ne brade cependant pas ces qualités, étant affichée à 10 990 €. C’est 2 400 € de plus que la Kawa de base. Mais cette version SE (+ 300 €) équipée des échappements coniques sport optionnels (+ 1 395 €) fait grimper l’addition. Ce ne sont plus que 696 € qui séparent nos deux rivales. Avec un équipement bien plus fourni pour la Honda, cette différence est du coup moins significative ! Côté conso, c’est kif-kif pareil : nos deux montures se sont contentées de moins de 6 litres aux cent chacune. L’injection a aussi du bon ! En fait, si proches dans l’esprit initial soient-elles, ces deux motos s’adressent finalement à deux publics complètement différents.
La CB 1100 s’adressera aux amateurs de belles pièces, qui viennent au vintage comme on visite une galerie d’art contemporain, parce que c’est tendance. Objet de désir, tout en chromes et à la finition presque parfaite, elle n’a pas la personnalité de ses aïeules. Mais ce n’était probablement pas ce qui était recherché, vu l’efficacité atteinte par la CB. C’est une moto moderne, sobrement efficace, belle mais sans esbroufe. A contrario, la Kawasaki s’adressera plus aux puristes, ceux qui cherchent avant tout une bécane de caractère, ancienne dans l’âme mais néanmoins achetée neuve chez le concessionnaire du coin. Avec tous ses défauts, la Kawa respire le passé, à tel point que l’on s’attendrait presque à voir une goutte d’huile sous les carters ! Elle pète, vibre et tient la route tant que l’on ne se prend pas pour un cador. Avec elle, c’est le Joe Bar Team tous les jours pour aller au boulot. Deux motos, un même style mais deux interprétations, bien différentes. Plus que le budget, c’est vraiment sur ce que l’on attend d’une moto que le choix s’effectuera et sur laquelle nous marque le plus la rétine !
BILAN
Objectivement, il est difficile de ne pas donner la victoire à la Honda, qui domine son sujet et est supérieure à la Kawasaki sur presque tous les points. Mais il y a une chose que l’on ne peut quantifier et qui ne répond à aucun jugement rationnel, c’est le plaisir pris au guidon. Et celle qui file le plus la banane, c’est au final la W 800, moins rigoureuse, carrément à la rue côté freinage face au C-ABS Honda, mais infiniment plus rigolote.
Fiches express
Notes
Honda CB 1100 2013 | Kawasaki W 800 2013 | |
Finition : | 9/10 | 8/10 |
Équipements : | 10/10 | 7/10 |
Confort : | 9/10 | 8/10 |
Protection : | 6/10 | 6/10 |
Moteur : | 6/10 | 9/10 |
Partie-cycle : | 9/10 | 6/10 |
Budget : | 7/10 | 8/10 |
NOTE GLOBALE
1ere Honda CB 1100 2013 : | 8/10 |
2e Kawasaki W 800 2013 : | 7,4/10 |
Honda CB 1100 | Kawasaki W800 SE | ||
ON AIME : | ON N’AIME PAS : | ON AIME : | ON N’AIME PAS : |
Le confort et la facilité | Le moteur efficace mais fade | La légèreté | Le freinage antédiluvien |
Le freinage C-ABS diabolique | La peinture, belle mais fine | Le moteur, peu puissant mais expressif | Le châssis… souple ! |
La finition soignée | Le tarif peut-être un poil élevé | Le confort (merci la selle) | |
Les aspects pratiques pas négligés | Le manque de sensations à son guidon | La finition de bon niveau |
Par Simon Palatchi, photos Rémi Navarro
Pour avoir eu une W800, je suis bien d’accord pour le freinage qui m’a causé quelques chaleurs en duo ainsi que les crampons des pneus qui rendent la conduite floue voire le chassis aussi d’après vous. Par contre, je peux vous dire que sans mettre 1399 eu de pots d’échappement, vous avez une bécane très plate, voire électrique. Pareil , les dépassements en duo sur nationale se font poignée en coin en choisissant le bon rapport car vous pouvez vous retrouver à devoir monter une vitesse pendant le dépassement… Mais je l’ai adorée, elle me manque parfois. Par contre, si on mettait un pot Moriwaki sur la Honda, vous auriez peut-être eu un jugement différent, non ?
@ Nicolas Fasseu : Bonjour, je ne pense pas que les échappements présents sur cette Kawasaki W 800 SE changent réellement les performances de la machine. Leur rendu peut-être, grâce aux détonations à la décélération, mais pas les performances réelles. Pour avoir conduit également une W 800 équipée des échappements saucisson d’origine, il m’a semblé que les performances étaient tout à fait équivalentes. Les échappements apportent en revanche beaucoup de vie au bicylindre. Ce qui manque hélas cruellement à la Honda…
Simon Palatchi
Possédant une CB1100 1er modèle, comme celle-ci, je connais bien cette machine. Petite précision préalable: Honda n’a jamais voulu faire une copie de la CB750. Ca, c’était ce qu’un proto (avec ses 4 pots, comme à l’époque) avait laissé croire, voire espérer pour certains. Mais à la sortie de la CB1100, les ingénieurs ont expliqué qu’ils n’avaient pas choisi la voie de la copie. Simplement celle d’une moto classique, pas une néo-rétro. La version EX, avec ses 2 pots et ses jantes à rayons, va un peu plus loin dans le rétro, mais telle n’était pas l’intention du constructeur au départ. Secondo, je ne comprends pas comment on peut penser que ce moteur (en passant, un vrai 4 cylindres en ligne originel, avec un vrai refroidissement partiel par air !) manque de caractère voire de couple. C’est un vrai gros 4 cylindres en ligne rempli de partout avec une montée en puissance linéaire, ce qui a toujours été la caractéristique première de cette motorisation par rapports aux bicylindres anglais ou américains de l’époque. Personnellement, j’aime beaucoup. Et il y a quand même bien plus de puissance et de gniac que le moulin de la w800 qui comme celui des Bonneville jusqu’à cette année n’a rien d’un foudre de guerre. Ce n’est pas le bruit d’échappement qui fait le caractère ! Enfin, il y a un gros aspect sur lequel vous n’insistez pas assez : de par sa définition, la CB est une vraie grosse routière à l’ancienne. On peut frimer sur les quais et la prendre l’après-midi pour un petit tour extra-muros comme la w800. Mais il est aussi possible de rouler loin et longtemps, à deux ou chargé, avec cette moto. Sa puissance, son couple, son confort et son excellente partie-cycle/freinage le permettent tout à fait. C’est tout de même franchement moins vrai avec la Kawa…Et je ne parle même pas de la capacité de la CB à rouler à bon rythme (en enroulant, ce n’est pas une CB1000R), ce que la w800 est tout simplement incapable de faire à moins de vouloir vraiment tenter le diable…
J’aime les deux et n’en possède qu’une la w 800 édition spéciale qui doit disparaître du catalogue malheureusement et justement je pensais acheter la cb pour son look et son côté chrome qui changerait du noir de ma kawa . Je vais certainement essayer la cb prochainement pour me faire une idée et si je me décidait pour l’achat je regretterai de revendre la w 800 !! Mais dans la vie il faut faire des choix quand financièrement on ne peut pas suivre. Il est vrais la conduite de la w est super et prendre du plaisir dans les virages comme un vrais pilote ( à 56 ans on fait ce que l’on peut ) est super et les pots saucissons sont agréables et supportable pour le pilote et l’environnement. Et il y a aussi le regard des autres qui après avoir fait 3 fois le tour de cette machine me poses la fatidique question, c’est quelle marque, une Peugeot ( le lion sur le réservoir porte à confusion) ?? C’est vrai qu’elle est belle ma moto !! Pour moi le freinage est suffisant car tout motard ayant un peu de bouteille sait que c’est pas sur circuit que l’on roule tout les jours et les automobilistes ne nous font pas de cadeaux. Sinon jusqu’à présent aucuns problèmes techniques, c’est une machine très robuste et ne demande que très peu d’entretien et ça c’est un argument principal. Voilà pour ce que j’ avais à dire sur le sujet et surtout si vous ne voulez pas de problème avec la maréchaussée, la w800 est votre amie