Face à face : Moto Guzzi V9 Bobber VS Yamaha XV 950 Racer
Les néo perso
Vous aimez avoir les jambes brûlantes et les repose-pieds qui frottent, et inversement ? Pour vous, le look à moto est aussi important que le look de la moto ? Yamaha XV 950 Racer et Moto Guzzi V9 Bobber sont faites pour vous ! Enfin peut-être…
Si pour vous une moto se doit aussi d’être authentique et surtout de ne pas être croisée à l’identique à chaque coin de rue, vous tapez dans le 1 000 avec ces deux modèles. Enfin dans le 900 si l’on veut être précis. Du moins 853 pour la V9 et 942 pour la XV Racer (NDLR : il est question de centimètres-cubes et de précision). Une valeur des plus intéressantes pour ce qui est d’un roadster customisant mu par un bicylindre. Ces derniers visent principalement à rouler tranquille, à adopter des rythmes de croisière, à profiter d’un couple sympathique et à se faire plaisir en voyant et en étant vu. Le but ultime ? Bénéficier de sensations réjouissantes. Le choix des « armes » ? Deux motos pour le moins différentes, mais revendiquant un esprit du passé tout en se montrant des plus modernes. Bref, des néo rétro plutôt néo, livrées avec un supplément de personnalité, voir de personnalisation. Et donc d’âme, de fait.
Les constructeurs font de la résistance

La Guzzi mélange l’esprit custom et l’esprit roadster… C’est ça le Bobber, un engin facile à vivre !
Dérivées des très rangées V9 et XV 950, des modèles sexy à fort potentiel de personnalisation, les opposantes du jour ont vu leur ergonomie et leur comportement routier modifiés par l’adoption de pièces spécifiques. Sur la V9, la finition générale passe au noir, les pontets de guidon accueillent un cintre large et plat et surtout, la roue avant affiche 16 pouces et se chausse d’un pneu rond de 130 de large, rien que ça. Ce dernier apporte l’esprit Bobber et le comportement allant avec : la sensation d’avoir un avant pouvant tout encaisser et sensé offrir moins de précision. La Yamaha subit les plus profondes modifications. L’adoption d’un capot de selle plongeant, d’un habillage de phare rondouillet et englobant, fait ressortir une belle paire… de bracelets plongeants. La pièce maîtresse de la préparation. De quoi dynamiser la ligne, et apporter de nouveaux volumes.
La roue avant de 19 pouces met en valeur la belle jante à bâtons, élargissant et élançant le profil avant. Une totale réussite donnant envie de prendre la route sans hésitation. N’oublions pas les platines repose pieds « reculées » par rapport à la version standard, et voici que ressort un esprit « vitesse » indéniable. Sachant que la Bolt (son nom aux US) est une machine relativement placide d’origine, voici déjà un challenge ! Le point commun entre les deux protagonistes ?
Une roue arrière de 16 pouces chaussée en 150… Et c’est tout. Mais alors vraiment tout. L’impression de moto cousue main domine, là où la Yam’ fait haute couture. Visuellement, on savoure une XV 950 taillée comme un pur produit marketing. Finie au millimètre près, « avec des morceaux de Yard Built dedans » et donc une bonne dose de hypsterie (avec un « p », oui, on ne rigole pas avec l’enthousiasme des barbus), elle intrigue. Plus discrète mais non moins charmante, la Bobber semble tout droit sortie d’un atelier de préparation (avec un « p », oui, ne soyez pas mauvais esprit !). Son charme, plus discret et façon « garage », repose sur les sensations pures et sur ce qui se dégage de sa mécanique, de ses ligne à la fluidité implacable. Sachant que la Guzzi est plus chère que la XV 950 Racer de 2 391 €, on admire l’exploit réalisé par Yamaha !
Et on s’interroge sur notre V9, « de pré-série » nous dira Piaggio. La patine des petit milliers de kilomètres parcourus est déjà visible. Le traitement mat de l’échappement se fait la malle, certaines pièces s’oxydent, bref, le temps fait rapidement son œuvre ! Au moins les très belles pièces de l’italienne font-elles bonne impression, surtout en comparaison avec la V7 II dont nous disposions il y a peu encore.
Cogito, ergo, sum

La V9 Bobber est emplie de belles pièces à l’image de ce bouchon de réservoir, pas sur charnière. La Yam’ ne fait guère mieux sur ce point…
Le point essentiel et différenciant concernant ces deux motos, c’est l’ergonomie. Important lorsque l’on souhaite rouler un peu plus que pour aller au café du coin. Même avec un café racer. Ici, deux options : soit on s’assied tranquillement, met le contact, allume le moteur dans un dodelinement bienveillant puis on part avec légèreté, ça, c’est avec la V9 Bobber, soit on cherche à en jeter un maximum en faisant un exercice de style mais avec une bande son discrète et… au prix d’un exercice physique. La Yamaha fait fort, mais alors très fort dans le style moto « orthopédique ». Orthopédique ? Comprendre par là : « une moto à utiliser avec modération et totale passion si l’on est fragile des os, mais tellement différente et proposant une position de conduite anti-naturelle fatiguant rapidement les vieux os tout en restreignant malgré tout son utilisation ». Orthopédique, en version courte, donc. Elle couche à la moindre occasion son pilote sur le réservoir de… 12 litres seulement.
Sensuelle et volontaire, donc, mais la Bobber et son réservoir de 15 litres sont plus agréables à tenir entre les cuisses. Les pieds restent modérément reculés, et les jambes trouvent un aplomb agréable. Sur la Yamaha, les commandes aux pieds font regretter une pédale de frein trop basse et peu pratique, quand bien même le constructeur revendique un ensemble plus « sport ». Sport ?

Minimaliste ? Oui. Un compteur (beau mais illisible de jour) et deux bracelets…bracelets ! Votre café-racer, vous le voulez bien serré ?
Certes, y compris à la conduite, mais avec 135 mm de garde au sol, soit bien moins que la Guzzi, c’est peu ! Les repose pieds de la XV 950 Racer frottent en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « ouhlala » dans un rond point et même en slalomant bien… en ligne droite. Oui, c’est possible lorsque l’on profite de la grande stabilité/inertie de la Yam’. Par contre, une Racer, c’est large du bas ! Un détail ? Un détail qui rentre dans les mollets/tibias dès que vous posez les pieds au sol. Ça ne se laisse pas faire. Pas davantage au niveau des genoux lorsque l’on veut serrer le réservoir : on les retrouve en conflit avec les caches moteur asymétriques et peu confortables. Principalement celui de droite. Sur la Guzzi, on se confronte à un autre soucis ergonomique : les cylindres transversaux jouent un tour aux plus d’1,70 m. Au freinage ou en recherche de maniabilité, rotules et tibias buttent dans les culasses.
Pourtant équipées d’un petit tampon « protecteur »… largement insuffisant, on apprécie d’avoir des protections intégrées au pantalon ! Au passage, dommage que l’isolation thermique des moteurs ne soit pas meilleure : ces deux-là ont tout du barbecue sur roues en été. Même avec un refroidissement liquide sur la XV 950 ! Mention spéciale à la tubulure d’échappement de gros diamètre de la Racer, qui transforme la cuisse droite en rosbif. Votre viande, vous l’aimez comment, déjà ? Un peu de bande thermique sera à la fois beau et efficace… Et cela tombe bien, Yamaha compte aussi sur votre imagination pour vous servir dans les catalogues d’accessoires du modèle. A 7 999 € (tarif promotionnel, 9 599 € auparavant), on peut l’envisager assez facilement, surtout au regard des 10 390 € de la Guzzi. Voici qui donne chaud également !
Du zig et du zag

La Moto Guzzi est à la fois placide dans son comportement et efficace côté moteur, à savoir plein de partout ! Agréable au quotidien…
Fin des palabres descriptifs, ce que l’on veut avec ces motos, c’est avant tout rouler. Et comme toujours quand on a chaud à moto : on circule sans contrainte pour faire circuler l’air ! Sorti d’une agglomération, où l’on se méfie de la lourdeur de la Yamaha par rapport à celle de la Guzzi, l’italienne se révèle un véritable joujou et bijou urbain. Chaque moteur a déjà donné sa mesure en ville, aussi est il inutile de prendre des pincettes. Celui de la Racer confirme sa relative placidité au démarrage, la boîte 5 aux rapports longs forçant à lancer le moteur au delà du naturel. Il fait aussi ressortir sa force et son agrément dans les trop courtes plages de régimes intermédiaires. Le bicylindre y distille son couple maximal. Le V de la Guzzi tracte pour sa part en permanence et sans distinction de régime ou d’ouverture des gaz, répondant immédiatement à la moindre sollicitation. Un régal distillant force et plaisir, ainsi qu’un vent de liberté tout au long de sa bonne allonge.
Il n’y a pas à dire, une boîte 6 vitesses, de bonnes vibrations, ça aide ! Direction les Vexin(s) Français et Normand, lesquels se prêtent fort bien au roulage envisagé. Lorsque l’on hausse le ton, la XV fait à nouveau ressortir son exclusivité. Les bras plongent, les coudes se rentrent, tandis que les mains s’écartent sur les bracelets raides positionnés bas, sous les tés de fourche. Une position stylée « grandnimportequoimaisçapasse » – c’est concept -. On oublie toute notion de « confort », et on commence à l’apprendre.

En limande, ou tout par terre, la Yamaha est rigolote. Dommage que son bicylindre soit si peu expressif…
Un tel look, ça se paye cher au final, y compris niveau maniement ! Un mode d’emploi à acquérir et un déclic à avoir. La tête se relève, contraignant les cervicales tandis que le regard cherche l’horizon, on relâche l’avant, bande les abdominaux et c’est parti ! Une ambiance sportive, certes, mais surtout de quoi tasser les omoplates les plus sensibles et jouer avec les articulations meurtries. L’occasion également de faire travailler des muscles jamais pris en considération sur une autre moto, même sportive ! La différence, c’est aussi là qu’elle se joue. L’avant alourdi par la direction tombante à basse vitesse, résiste aux injonctions à haute vitesse. La cause principale ? La roue avant de 19 pouces semblant taillée dans la fonte, rappelant à chaque instant la notion de force centrifuge/centripète.
C’est simple, on a l’impression de tenir l’axe de roue dans les mains, et c’est tout aussi inconfortable dans les paumes. La solution pour se décontracter ? Monter sur la V9 ! L’assise est plus large, plus accueillante, plus basse de 55 mm (avec 775 contre 830 mm) et plus douce, ce qui fait le bonheur de votre popotin autant que celui de vos jambes.
Entre force et douceur

Deux mondes, si similaires (bicylindre en V, base custom, esthétique singulière) et si différents (caractère, comportement, ergonomie). La V9 Bobber et la XV 950 Racer ne font pas comme les autres !
Au fil des kilomètres, la Racer devient en tout cas une véritable muscle bike, au sens physique du terme. Avec 251 kilos tous pleins faits à emmener, une Racer, ça se mérite ! Au moins, le fessier est-il presque au repos !! Plus légère de 51 kilos (!), l’italienne pèse une paille et s’emmène d’un rien, au guidon comme aux jambes. Le guidon plat, certes très ouvert et relativement bas, offre une prise en mains naturelle guidant aisément la roue XXL. Le demi-tour devient une partie de plaisir lors des séances photo. La Guzzi est aussi ronde à emmener que le profil de ses pneumatiques. Et des ronds, elle en fait aussi autour de la XV 950 lorsqu’on est à la manœuvre. Sur les bosses, pneumatiques comme suspensions se montrent bien moins rêches sur l’Italienne que sur la Japonaise. La Yam’ devient du coup un excellent sparing partner sur route non lisse, affichant la délicatesse d’un Mike Tyson. Puncheuse, la Yamaha ?
Pas vraiment au vu des sensations moteur. Je savais déjà que la XV 950 n’était pas un foudre de guerre, se montrant souvent frustrante lorsque l’on descend de la Bobber. Mais la position de conduite renforce le phénomène. Le gros du couple… de 79,5 Nm intervient pourtant à 3 000 tr/min, le même régime que pour les 82 Nm de la V9. Pour autant, pas les mêmes effets : la Guzzi part comme une flèche et maintient cette valeur sur la quasi totalité de sa plage moteur, là où la Racer est bien plus restrictive en utilisation « sportive ». Une sacrée différence, d’autant plus qu’une fois que l’on roule vite, le différentiel de poids se fait sentir. Enfin surtout le manque de puissance de la Yamaha. Les 52,1 chevaux à 5 500 tr/min pour la Racer, mettent en avant les grandes qualités du moteur de la V9, plus vivant. Ce dernier exploite pleinement les 3 chevaux supplémentaires. Elle coupe elle aussi rapidement, mais entre 2 000 et 7 000 tr/min, on ne manque de rien.
Concrètement ?

Motos loisir, ces deux esthètes se dégustent en tête à tête, mais pas forcément à deux. Le charisme est là !
Relancer en courbe, s’extraire d’entre deux voitures ou démarrer au feu est bien plus agréable sur la Bobber. On attend plus, mieux et surtout plus longtemps des poussées moteur. En tout cas, pas besoin d’un anti patinage, il est ici « naturel », incitant à mettre plein gaz…
La V9, elle, peut compter sur une assistance physique pour rassurer les moins audacieux : un anti patinage, réglable sur 2 niveaux de déclenchement, mais aussi et surtout dé-connectable. Car pour ce qui est d’être prévenant, l’anti glisse de la roue arrière l’est assurément. Au point de réguler les relances en plein virage ou à la moindre aspérité prononcée de la route. En position Off, tout rentre dans l’ordre, et la Bobber devient même enthousiasmante, limite excitante. Reste à gérer la relative inertie du cardan, moins efficace ou agréable que la courroie de la Yamaha, toujours impériale.
A bord des deux modèles, la vue est imprenable. On savoure chaque élément sous les yeux, comme de la vision sur la route. Totalement dénuée de sens pratique, la XV 950 Racer pâlirait presque au vu de l’instrumentation ultra complète de la V9. D’autant plus qu’elle est pilotable depuis le guidon. Un bloc auquel on peut même adjoindre -en option- l’interface permettant de coupler l’ECU Guzzi à un smartphone. De quoi permettre d’afficher directement sur l’écran cinq autres paramètres, le tout via une application dédiée. N’oublions pas la prise USB implémentée d’origine au niveau de la colonne de direction. Une direction verrouillable de chaque côté par un neiman positionné sur le té supérieur, là où celui de la Yamaha est en position latérale, sur la colonne de direction. Stylé authentiquement custom, esthétique, mais assurément peu pratique. Une V9, c’est joli à regarder, attachant et fonctionnel là où la Racer est juste splendide, sculpturale et implacable niveau look. Et résolument peu rationnelle. La preuve : à l’instrumentation minimaliste offrant simplement un trip journalier, un trip F et une montre, se joint un compteur de vitesse digital tenant plus du miroir incliné que du bloc instrumentation. Austère, la Racer ? Oui. Et assumé, là où la V9 se veut exhaustive. Voici que la Yamaha devient une authentique « speed » machine, et la Bobber une véritable custom bike…

Le charme d’une finition haut de gamme (la Yam’) ou le charme du caractère latin (la Guzzi), à vous de choisir… Ploum ploum ploum, en V majeur !
Vous l’aurez compris,si l’on flashe sur elle, la Yamaha XV 950 Racer constitue un challenge personnel roulant autant qu’une moto de série unique en son genre. Son comportement moteur placide, pour efficace qu’il est, manque du peps nécessaire pour mettre en valeur sa partie cycle si particulière et faire en sorte d’accorder son ramage à son plumage. Discrète mécaniquement, la Racer compense cette sensualité par un ronronnement feutré et une mécanique tournant impeccablement de son poumpoum feutré. Côté italien, c’est l’inverse absolue, plus que le physique plaisant, c’est ce qu’il renferme qui séduit. On prend des risques niveau finition (et vieillissement), tout en offrant des sensations mécaniques rares. Le dodelinement du couple de renversement, les vibrations, la sonorité rauque sont une marque de fabrique autant qu’un compagnon de route. Sans oublier les cliquetis moteur réjouissants, ou encore la transmission sifflante. Une Guzzi, ça vit, ça vibre, et ça le fait savoir !
BILAN
Si vous n’avez pas peur des positions de conduites alambiquées, vous devriez grandement apprécier la surprenante et ultra originale Yamaha XV 950 « Bolt » Racer. Plus classique, mais néanmoins grande surprise de cette année, la Moto Guzzi V9 Bobber s’impose par son homogénéité et sa personnalité certes moins tape à l’œil, mais plus attrayantes. Reste son tarif… Franchement moins amical que celui de la Yamaha, qui bénéficie pour la fin de l’année 2016 d’une belle promotion. Chaud devant (et derrière aussi ) !!
Fiches express
Notes
Moto Guzzi V9 Bobber | Yamaha XV 950 Racer | |
Finition : | 7/10 | 9/10 |
Équipements: | 8/10 | 5/10 |
Confort : | 8/10 | 6/10 |
Protection : | 5/10 | 6/10 |
Moteur : | 8/10 | 6/10 |
Partie-cycle: | 8/10 | 6/10 |
Budget : | 9/10 | 6/10 |
NOTE GLOBALE
1ere Moto Guzzi V9 Bobber : | 7,1/10 |
2e Yamaha XV 950 Racer : | 6,7/10 |
ON AIME : | Moto Guzzi V9 Bobber | ON N’AIME PAS : |
+ La personnalité du modèle Bobber | – La finition « pré-série » perfectible | |
+ Le comportement moteur très plaisant | – Le tarif élevé | |
+ Le comportement en ville | ||
+ Le comportement sur route | ||
ON AIME : | Yamaha XV 950 Racer | ON N’AIME PAS : |
+ Le look séducteur ! | – L’asymétrie de la moto | |
+ Le mode d’emploi sympa, une fois qu’on l’a ! | – La lourdeur du train avant | |
+ Le moteur économe | – Le poids global de la moto | |
+ La qualité de fabrication |





















































































Par Benoît Lafontaine, photos Ben Laf’ et Simon Palatchi