Essai Ducati Scrambler Icon
Naissance d’une Icon
Ducati a bien choisi le nom de sa nouveauté. En la prénommant Icon, et en lui trouvant Scrambler comme nom de famille, la marque italienne a fait bien plus que de créer un nouveau modèle : elle a donné naissance à une icône moderne, avec d’authentiques morceaux de presque ancienne dedans. Récit d’une découverte.
Scrambler, c’est bien plus qu’un simple nom de modèle. Scrambler, Ducati voudrait que ce soit aussi une manière d’acheter, de consommer et de rouler. Une famille à part entière dans la gamme, avec ses codes et ses histoires, loin de l’esprit « Corse » (course) ayant consolidé l’image de (la) marque. Pour ce faire, le constructeur a puisé dans l’histoire de ses modèles et ressorti un emblématique Scrambler de 1970. Une caution pour la nouveauté, mais pas forcément une inspiration. La version moderne n’a plus rien à voir, elle qui adopte un bicylindre à refroidissement par air venu de la Monster 796, là où l’original était mu par un monocylindre. Autour de ce moteur emblématique, on retrouve l’architecture de cadre treillis tubulaire, traditionnelle pour la marque mais originale de forme, et surtout un accastillage façon… Suzuki VanVan. Sérieusement ?
Méga Van
Avouez que vous y avez peut-être pensé en la voyant, non ? Le petit réservoir de 13,5 litres, les grosses roues à tétines, la selle assez basse et la moto assez allongée, ça ne vous rappelle pas le best seller 125 du constructeur japonais ? Ou encore une Yamaha XT qui aurait pris de l’embonpoint ? Il y a quoi qu’il arrive un petit quelque chose de trail, voir de trial, dans cette moto. Les proportions contenues, le garde boue arrière à la BMW GS, le garde boue avant minimaliste sans oublier les périphériques discrets, au nombre desquels une superbe optique avant à cerclage de feu LED, contribuent à apporter une touche de sobriété bienvenue… ou a encourager à regarder dans le catalogue des accessoires du constructeur, un catalogue aux références déjà bien fournies. Pour notre part, hormis le levier d’embrayage sans réglage de l’écartement, rien à signaler.
Si vous vous demandez ce que donnerait un moteur pêchu dans un partie cycle décontractée, vous avez en tout cas la réponse. Moderne, dotée par exemple d’un ABS déconnectable, elle hérite également d’un compteur digital dernier cri.
Rond, minimaliste de forme, mais pas de fonctionnalités, lisible y compris en plein soleil (une grande qualité), il ne lui manque qu’un indicateur de rapport engagé pour être parfait. L’ordinateur de bord permet en effet de gérer depuis le commodo gauche l’activation de l’antiblocage, tandis qu’un shift light au seuil réglable incite à passer le rapport supérieur dès qu’il se met à clignoter. On pourra s’interroger sur l’absence d’indicateur de consommation, douter de la la pertinence d’un compte tour périmétrique fonctionnant dans le sens antihoraire, tout en appréciant en contrepartie de pouvoir connaître la distance parcourue sur la réserve, laquelle mesure environ 3,5 litres. La consommation étant des plus raisonnable, même lorsque l’on décide d’exploiter pleinement les capacités moteur, on peut légitimement compter sur 200 km d’autonomie avant de l’atteindre.
Enfin, au titre des raffinements modernes, on retrouve sous la selle une prise USB simple permettant d’alimenter un périphérique adapté (GPS ou téléphone portable). Le petit compartiment sous la selle sera également en mesure d’accueillir un bloque disque, lequel complétera efficacement l’antidémarrage codé.
Ode à la liberté
Si elle ne joue pas la carte de la nostalgie, la Scrambler revendique fièrement un « Born Free – 1962 ». Gravé telle une ode à une époque révolue que l’on aimerait bien remettre au goût du jour, un temps où les motos se vendaient, où les motards roulaient sans trop de contraintes, cette inscription rappelle que l’on n’est pas tous nés pour être (des) sauvages (born to be wild), mais plutôt nés libres (born free).
La devise interpelle, tant elle prend son sens une fois assis et que le moteur comme la poignée des gaz tournent. On se sent effectivement bien. Libre de mouvements, grâce à une ergonomie bien pensée, libre sur les roues de 17 pouces à l’arrière et de 18 à l’avant. Libre de démarrer comme on veut grâce à l’injection et au bouton start astucieusement masqué.
Libre de ne pas considérer la technique ou la technologie, relégués au second plan par un paramètre nouveau: la simplicité. Une simplicité dont découle un plaisir tout aussi naturel, même s’il est fait de nombreux éléments. La position de conduite, pour commencer. Très décontractée, elle donne l’impression de faire corps avec la moto et de ne jamais peiner, sauf si l’on envisage de prendre l’autoroute.
Évidemment, le manque de protection, l’écartement des jambes par rapport au réservoir ou encore la position des bras ne se prêtent absolument pas à l’exercice, du moins ne le rendent pas agréable. Sur route, la moto accompagne en douceur dans chaque inclinaison, chaque mouvement. La selle à 790 mm de haut (770 mm en option), en semble facilement 20 de moins et se prête aux petites jambes, tandis que les 186 kilos en ordre de marche paraissent eux aussi sur-évalués. La Scrambler est certes bien posée au sol par son poids, mais elle ne le fait jamais subir. En découle une évidence de guidage rarement ressentie sur des modèles de cette cylindrée, renforcée par le guidon haut. Légère, la direction place la moto là où l’on souhaite, tandis que le corps s’occupe du reste. Les suspensions de qualité officient en parfait accord, tandis que l’on est surpris par le confort général.
Certes les suspensions sont fermes, mais elles apportent une tenue de route redoutable, tout comme les pneumatiques Pirelli MT 60 RS spécifiques. Il n’y a qu’à voir William Coste officier à son guidon pour se rendre compte de la polyvalence de la moto comme de celle de sa monte d’origine. Habitué au dirt track et au flat track, ce gentleman rider au style coulé n’hésite pas à se faire plaisir, cabrant la moto à la moindre occasion et lui faisant tester les bords de route, une montée infernale dans l’herbe ou la terre, ou encore les sauts en tout genre.
Scrambler raisonnable ?
Pour ma part, j’ai préféré le style routier, et prendre de l’angle jusqu’à plus soif, quitte à limer au passage la protection de pot inférieure avant même les repose pieds. Ces derniers n’étant pas dotés de limiteurs d’angle, la raison dicte de ne pas venir tenter l’opération, même si cela est tout à fait possible dans l’absolu. La Scrambler se montre alors d’une stabilité redoutable et offre des sensations des plus rassurantes et prévenantes, une fois encore. Seul point méritant de l’attention: le freinage. L’ABS Bosch, non couplé, semble peu enclin à bien gérer un freinage effectué uniquement de l’avant. Puissant, grâce à un étrier à fixation radiale et un disque de 330 mm de diamètre, la pince peut être prise à défaut et faire exagérément couler la moto sur un freinage réflexe si l’ABS se déclenche. D’autant plus dommage que son seuil de déclenchement ne peut pas être réglé, et que le frein arrière manquait de puissance et de feeling sur notre modèle d’essai.
Non contente de proposer une partie cycle facile et réactive, la Scrambler l’associe à un moteur certes civilisé, mais cachant bien son jeu. Avec son volant moteur plus lourd, des profils de cames revus et d’un papillon d’admission d’air de 50 mm de diamètre, le moteur adopte un comportement plus facile et se comporte dans l’absolu comme un gros mono… de 803 cm³ pour 75 chevaux. Le plus appréciable restant le de couple de 7 mkg répondant présent dès les mi-régimes. Les sensations mécaniques sont très présentes, et l’on profite des vibrations douces aux moindre coup de piston pour le vivre et le ressentir. Vivant, le moteur prodigue trois paliers : l’un dès le début du compte-tours, vers les 2 500 tr/min, suivi d’une montée en gamme et en puissance tous les 2000 tr/min (4 500 et 6 500 tr/min), le tout jusqu’à l’extinction douce intervenant aux environs de 10 000 tr/min, le compte tours étant gradué jusqu’à 12 000.
Un régime qu’il n’est pas à craindre d’atteindre en rétrogradant : un amortisseur de couple veille à ne pas laisser la roue se bloquer inutilement. Volontaire, plein, enthousiaste sans être particulièrement fébrile ni outrageusement nerveux, le bicylindre est un régal à exploiter sur les 4 premiers rapports, lesquels seront réservés aux agglomérations.
En péri urbain, les 5 et 6 pourront être passés afin d’économiser l’essence et d’éviter tout toussotement inutile. Reste à voir en été si la chauffe moteur ne se montre pas désagréable avec les cuisses, surtout côté droit, là où passe la double ligne d’échappement. Nous ne manquerons pas de vous le dire lors d’un prochain essai. Car la Scrambler se décline pour l’instant en 4 versions : la version de base Icon, que nous essayons aujourd’hui, la Classic, l’Urban Enduro et la Full Throttle, prochainement à l’essai. Chacune adopte un look et une personnalité induite par sa dénomination, et reposant sur un logo de réservoir, des garde-boues, une selle, un habillage de phare ou encore un échappement Termignoni spécifiques, le tout pour 9 990 €, soient 1 400 € de plus que le modèle Icon.
BILAN
Il n’y a pas à dire, Ducati réussit aussi bien son coup de communication que son coup mécanique en proposant cette Scrambler. Démontrant que l’on peut allier esprit et sensations d’antan avec une modernité mécanique réjouissante, la nouveauté italienne dame le pion aux japonais(es) sur un terrain qu’ils ont soit abandonné, soit laissé de côté depuis longtemps : celui des vrais trails et des motos originales. Bien évidemment, il faut y mettre le prix pour repartir au guidon d’une Scrambler, mais Ducati a su rester « raisonnable » avec cette version Icon, laquelle ne fait l’impasse sur aucun raffinement et permet de rouler autrement. Peut être la meilleure façon de retrouver un peu de liberté de rouler et de penser dans un univers routier en manquant cruellement… sans forcément tomber dans les travers d’une mode rétro bobo.
FICHE EXPRESS
NOTES (dans la catégorie)
Finition : | 8/10 |
Équipements : | 8/10 |
Confort : | 9/10 |
Protection : | 6/10 |
Moteur : | 9/10 |
Partie-cycle : | 8/10 |
Budget : | 7/10 |
NOTE GLOBALE
7,8/10
ON AIME : | ON N’AIME PAS : |
+ Le caractère moteur | – L’ABS non couplé |
+ L’évidence de conduite | – L’absence de jauge à essence |
+ L’ABS déconnectable | |
+ Le tarif « contenu » (pour une Ducati de ce niveau) |
Par Benoît Lafontaine, photos B.L. et Arwa Barkallah.