Essai Zero Motorcycles DS ZF11.4
Ride like the wind*
Cent-soixante compteur ! Dans un silence quasi total, que ne vient troubler que le bruit de roulement des pneus et le chuintement de la courroie. Quel pied ! De quoi sidérer toutes les personnes croisées… Mais c’est quoi cette Zero ?
La marque californienne Zero Motorcycles propose depuis 2009 des modèles électriques à la vente. Du look de cageot à roulettes des premiers modèles, à l’autonomie plus que limitée, la marque est arrivée en quelques années à proposer des modèles attrayants, tant dans le design que par leurs performances. Pour son modèle 2013, la marque annonce 54 ch en pic, un couple maximal de 9,38 mkg. C’est plus que la quasi-totalité des roadsters mid-size, nouvelle Yamaha MT-09 comprise ! Revers de la médaille, cette version 2013 n’est désormais plus accessible aux titulaires du permis B (faut pas déconner non plus !), mais reste en équivalence A2. Zero Motorcycles annonce une autonomie maximale de 220 km pour cette version ZF11.4. Dit comme ça, c’est alléchant !
Plaisir enfin partagé
Notre Zero DS ZF11.4 d’essai a une allure limite martiale dans ce vert kaki. Fort heureusement, ce n’est pas un coloris mat ! Niveau design, le travail des p’tits gars de Santa Cruz est à saluer. Pour avoir pu voir côte à côte, dans la concession ATS à Paris (70 boulevard Beaumarchais, dans le 11e arondissement), les modèles 2012 et 2013, le progrès est flagrant. Les lignes sont agressives, avec une partie arrière enfin soignée. Le look flatte enfin la rétine et peut sans complexe être comparé à ce qui se fait chez les cousines « thermiques ». Ce qui se remarque le plus vite, c’est la nouvelle selle. Plus large, plus longue, elle est un appel à la conduite, ce qui n’était pas vraiment le cas de la poutre du modèle précédent, typée cross. De plus, cette selle et l’autonomie vraiment augmentée de cette DS 2013 permettent de prendre un passager.
Hourra ! Le duo impossible était en effet l’un des freins à l’achat d’une Zero jusque-là. Tous les motards croisés (ils sont nombreux à s’être arrêtés pour nous assaillir de questions) le reconnaissent : ils ont sous les yeux une vraie moto ! Le réservoir étant aux abonnés absents, la marque a eu la bonne idée de convertir l’espace situé au-dessus de la très volumineuse batterie en un rangement, un peu comme Honda sur la NC 700. Un petit coffre zippé, qui se verrouille sur la moto ou peut s’emporter avec soi, mais dont la fermeture n’est en revanche pas sécurisée. C’est néanmoins très pratique pour y loger un antivol et un pantalon de pluie, par exemple.
Du côté de la partie-cycle, le freinage passe désormais à des éléments Nissin. Du Nissin de base, certes, mais du Nissin quand même ! C’est toujours mieux que les freins Hayes des précédents modèles, que l’on aurait cru piqués à des VTT. Si de nombreux points ont été améliorés, il en reste quelques uns qui semblent n’avoir pas évolué. Ainsi les suspensions Fast Ace asiatiques, réglables en tous sens, respirent toujours aussi peu la qualité. Le compteur, fourni par Koso, est également un peu avare en infos. Trips, vitesse, jauge de batterie et basta… Mais la marque explique que ce choix est volontaire, l’utilisateur (forcément un peu geek sur les bords) ayant accès à une application gratuite ultra-complète sur son smartphone, en anglais hélas. On peut y régler les paramètres du mode Eco (vitesse maximale de 97 à 153 km/h, couple maximal de 0 à 100 %, régénération au freinage), avoir accès à la température moteur ou batterie, l’heure, le niveau de charge, l’autonomie, bref, à toutes les données de la moto ! Le tout en Bluetooth. C’est beau le progrès… Après avoir pianoté sur son téléphone et avoir patienté 8 heures (temps maximal de charge à batterie vide) que la bête soit chargée à bloc, il est temps d’aller rouler…
Les doigts dans la prise
Contact, moteur et… rien. Hormis le balai de l’aiguille du compteur, aucun signal ne vient vous dire que la DS est démarrée. Heureusement, la béquille neutralise l’accélérateur tant qu’elle est déployée. Dès les premiers tours de roues, la souplesse de fonctionnement étonne. La poignée de « gaz » permet de moduler l’accélération au plus fin. On peut évoluer à 5 km/h sur un filet de watts ! En revanche, si on soude, c’est le choc. Sans un bruit, une espèce de main énorme vient vous pousser dans le dos et on atteint très vite des vitesses prohibées, que ce soit en ville, sur route ou sur autoroute, le tout en silence ! La fée électricité, comme on l’appelle, semble plutôt avoir la poigne d’un géant ! On se prend vite au jeu d’essayer de taquiner au feu rouge tout ce qui roule et qui fait du bruit (je sais, ce n’est pas bien…).
L’autonomie annoncée permet en outre de belles escapades péri-urbaines, voire franchement campagnardes. Le tout est de calculer son trajet pour être sûr de pouvoir revenir au point de départ ou d’arriver à bon port, car les prises électriques courent moins les champs que les stations-services, et le plein est un poil plus long. Sur la route, la Zero se conduit comme n’importe quel deux roues, les vitesses en moins. Quel plaisir de ressortir des virages en soudant pour se retrouver propulser en un éclair vers le second. A noter que si le mode Eco propose un sacré frein moteur, récupération d’énergie oblige, le mode Sport permet de laisser filer la moto, ce qui peut surprendre. Le confort prodigué par les suspensions est convenable, bien qu’un peu ferme, et le freinage, efficace sur l’avant et quasi-inexistant sur l’arrière, ne laissera pas de souvenirs impérissables à ceux qui ont fréquenté du radial Brembo, par exemple… Notre modèle d’essai était équipé de pneus Michelin Anakee III, bien plus performants que les IRC d’origine, ce qui aide le comportement routier. Le trip ultime aura été un retour sur Paris, de nuit, seul sur la route. Ultime et, force est de le reconnaître, un peu angoissant, la question « vais-je pouvoir rentrer ? » ne quittant pas mes pensées…
L’addiction !
Pour avoir pu essayer les modèles 2011 et 2012, je sais que l’autonomie dépend réellement de la conduite sur ces motos électriques. En 2011, un trajet normal ville-voies rapides avec pointe de vitesse maximale avait flingué la batterie en 56 km. En 2012, le même trajet avait permis d’atteindre les 117 km, en mode Sport uniquement. Cette année, le même test (en mode Sport, toujours) nous a permis de faire un peu plus de 142 km ! En roulant comme un motard lambda, sans chercher l’économie, et en atteignant par deux fois les 160 compteur, sur une portion d’autoroute allemande qui passait par là…
Et quelles performances ! Un test de reprises face à la CB 500 dans la force de l’âge de notre rouleur aura tourné court, mamie CB ne pouvant strictement rien faire, malgré une puissance et un poids équivalents ! La marque annonçant 132 km en utilisation mixte ville-autoroute (mais à 112 km/h) et sans préciser le mode employé, les 220 km d’autonomie maxi semblent tout à fait possibles, à condition de se traîner en mode Eco évidemment. Mais on peut compter sur 160/170 km d’autonomie réaliste en étant doux, ce qui permet de belles escapades. De plus, la Zero se montre prévenante. Lorsque la jauge commence à clignoter, pas de panique, il reste encore 40 km d’autonomie en roulant cool. Et quand il n’y a vraiment plus de jus, la DS ralentit progressivement, autorisant une vitesse et une accéleration de plus en plus faibles. La panne n’est donc pas brutale ! Alors, tout est beau sur cette Zero ? Ben non…
L’addition…
Le point le plus critique reste son tarif. 15 990 € pour notre version ZF 11.4 ! Un tarif qui pourrait être digéré si l’accastillage et la finition suivaient, mais ce n’est pas vraiment le cas. La finition progresse, mais il reste quelques points indignes (plastiques, peinture, rétroviseurs). Certes, la batterie coute très cher, certes il n’y a que peu voire pas d’entretien, certes le plein n’est vraiment pas cher… Mais il faut rouler vraiment beaucoup pour parvenir à rentabiliser cette moto électrique, après de longues années.
La marque américaine annonce une nouvelle floppée d’évolutions pour 2014, avec à priori des performances encore en hausse et très probablement un équipement (suspensions, freinage) plus soigné et plus en accord avec le tarif. Mais de 10 495 € en 2011, la Zero est passée à près de 16 000 en 2013, dans sa version la plus puissante il s’entend. Ce qui laisse craindre une nouvelle envolée des tarifs pour le prochain millésime…
Mais le tarif d’achat n’est pas un frein pour les plus mordus, plus aucune Zero ZF11.4 2013 n’étant disponible à la vente en France ! Il reste toutefois des ZF8.5, à l’autonomie un peu plus limitée, mais 2 000 € moins chères. Mais attention, vous êtes prévenus ! Malgré ses défauts, l’essayer, c’est l’adopter…
BILAN
La note finale reflète hélas peu le plaisir pris au guidon de cette Zero. C’est l’un des modèles qui nous a le plus filé la banane au guidon cette année, mais cette donnée n’est pas quantifiable. Son tarif exorbitant, son équipement léger et quelques lacunes de finition pèsent lourd dans la note finale, malgré de réelles qualités. Performances surprenantes, autonomie enfin digne de ce nom, confort en nette hausse : la Zero peut être une véritable arme pour le quotidien !
FICHE EXPRESS
NOTES (dans la catégorie)
Finition : | 6/10 |
Équipements : | 6/10 |
Confort : | 8/10 |
Protection : | 6/10 |
Moteur : | 9/10 |
Partie-cycle : | 8/10 |
Budget : | 5/10 |
NOTE GLOBALE
6,8/10
ON AIME : | ON N’AIME PAS : |
Les performances enfin convaincantes | Le tarif surréaliste |
Le confort en net progrès | La finition pas encore en rapport avec le tarif |
Les aptitudes routières | Le matos à deux balles (par rapport au tarif !) |
Le monde de silence dans lequel on évolue | |
Le plaisir enfin partagé à deux ! |
* En français dans le texte « chevaucher (ou piloter) comme le vent », titre d’une chanson de Christopher Cross.
Par Simon Palatchi, texte et photos