Essai Harley-Davidson LiveWire Project
Coup de foudre à Milwaukee
Il y a quelques années, si l’on nous avait dit que le constructeur américain Harley-Davidson penserait à créer une moto propulsée à l’électricité, nous aurions certainement ri de bon cœur… Aujourd’hui, la LiveWire change la donne et annonce un futur électrique à Milwaukee. Retour sur une rapide prise (électrique ?) de contact avec ce prototype.

Lignes tendues, ergonomie bien pensée, aspect finalisé : la LiveWire semble prête à prendre la route !
Cela dit, après avoir fait produire de ses motos en Inde (les 750 Street – lire le comparatif), ce que personne n’aurait imaginé avant de le voir, le constructeur mythique ne doit pas être à une idée reçue près. Alors me voici à Ladoux, non loin de Clermont-Ferrand (Auvergne), un site de 450 hectares abritant l’une des nombreuses piste d’essai Michelin. Nous allons y tester ce prototype LiveWire, à la finition décidément impeccable et manifestement très proche d’une production. Pourquoi suis-je là ? Déjà, parce qu’Harley a eu la bonne idée d’inviter Agora Moto – entre autres –, ensuite, parce que Michelin est déjà partenaire de la marque. Les Sportster sont ainsi équipés de pneumatiques français, et Michelin a également développé les pneus du prototype Livewire. Deux bonnes raisons s’il en est, non ?
Il y aura une moto électrique Harley

L’éclairage est entièrement confié à des LED. Moderne et hyper-technologique, un point que certains rivaux électriques feraient bien de revoir…
C’est dit, il y a aura une Harley-Davidson électrique. Quand ? On ne sait pas encore, mais ce pourrait être bientôt au vu du projet LiveWire et de son avancement. Reste a voir l’évolution des batteries et surtout leur mode de rechargement, Harley visant une charge complète la plus rapide possible et une charge partielle encore plus rapide. Pour combien ?
Ça non plus, on ne le sait pas encore, mais au vu de l’image de la marque, de l’investissement représenté et du prix du véhicule électrique en général, on peut supposer que la moto sera un produit premium, pendant à deux roues de ce que Tesla a pu faire avec ses automobiles. Reste à voir si l’on pourra recharger sa Harley Davidson dans la rue, ce qui est le cas actuellement avec une Zero Motorcycles, aux bornes électriques moyennant un abonnement.
A l’heure actuelle, la batterie lithium-ion compacte et assez légère intégrée permet de parcourir environ 80 km en mode Range (autonomie, dans la langue de Mark Twain) et 47 en mode Power (modes que je vous détaille ci-après). Cette dernière se rechargerait entre 85% et 100% en 3h30 seulement.
Experience Tour, un tour d’expérience

Le tableau de bord digital renseigne sur de nombreuses informations, de l’autonomie (vital…) à la température de batterie en passant par le voltage et, bien sur, la vitesse !
C’est dans le cadre de l’Experience Tour Harley-Davidson, que prend place notre essai du jour. L’Experience Tour est un véritable RoadShow (un salon itinérant), comme disent les américains. La structure et les véhicules se déplaçant en Europe et aux États-Unis au fil de villes importantes. Un événement devenu traditionnel, au cours duquel particuliers et professionnels, Harleyistes ou non, sont invités à venir à la rencontre de tous les modèles principaux de la gamme – qu’ils peuvent essayer – et des représentants de la marque. Ils répondent à des questionnaires, et enrichissent de leurs remarques et expériences les bases du marketing. Harley-Davidson se veut proche des motards, et le démontre une fois encore à cette occasion. Cent-soixante chanceux avaient ainsi été sélectionnés pour essayer eux aussi la LiveWire dans le cadre de l’Experience Tour, et pour prendre place sur l’une des 5 motos roulantes que j’ai moi-même pu essayer.
Emotion/Euphorie/Energie

Ce « bas moteur » semble issu d’un dragster… Ce n’est pas fortuit, puisque c’est là que la marque a puisé son inspiration.
Cet intertitre n’est pas encore mon avis, mais tout simplement le gimmick de Harley Davidson concernant la LiveWire. Comme rappelé non sans emphase lors de la présentation du projet LiveWire, Harley interprète au travers de sa moto électrique le « style iconique et technologie, les performances incroyables, les sensations, le côté fun », tout en reconnaissant que l’exercice n’est pas évident sans les éléments « traditionnels » Harley Davidson : un bicylindre thermique généreux en vibrations et en chaleur, en sensations mécaniques, une sonorité brevetée et déposée par HD, mais aussi un style intemporel et une finition impeccable. La LiveWire se devait aussi d’évoquer le sport, et c’est le dragster qui a été choisi, au travers de le forme des carters du moteur. Cette dernière a également été étudiée afin de fournir un « son » particulier : celui d’une turbine.
De fait, le moteur, loin d’être atone, loin d’être aphone, siffle. Il marque même les montées en régime. Ce bruit omniprésent renseigne aussi bien le conducteur sur le régime du moteur que les éventuels passants de l’approche d’une moto électrique. Un plus pour un moins, je vous laisse choisir lequel est lequel.
Ça turbine !

Agile et précise sur le tracé parfaitement lisse de Ladoux, la H-D électrique aurait volontiers poussé plus loin…si elle avait été homologuée !
En attendant, le moteur « triphasé alternatif longitudinal », est annoncé pour une puissance équivalent à 74 chevaux en mode Power, 37 chevaux en mode Range, le plus économique en énergie. Ces modes sont choisis à l’initialisation de la moto, directement sur le grand écran digital et tactile. On valide, l’initialisation se fait et il n’y a plus qu’à tourner la poignée. Cette moto pourrait donc tout à fait être envisagée par des permis A2 écolo, tout comme la Zero Motorcycles, sa future rivale américaine (lire notre essai de la Zero SR 2014). D’autant plus que le moteur est loin d’être avare en sensations. De son côté, la partie cycle, basse et longue, affiche 210 kilos environ sur la balance, soit le poids d’un roadster. La position de conduite est cependant très surprenante, avec un guidon étroit et bas, à l’image de la LiveWire cela dit. La selle comme la moto permettent à toute longueur de jambe de prendre place. Les platines placent les pieds à l’aplomb du buste, dans une posture assez relevée. Globalement, on se sent bien à bord, et la position de conduite fait rapidement ses preuves. J’accélère.
Le bloc électrique produit un très honorable couple de 7,1 mkg. Il est capable d’atteindre 153 km/h en pointe en mode Power dans la configuration actuelle. J’ai pu le vérifier à de maintes reprises, tout en me rendant compte que l’on n’ouvrait alors pas les gaz à plus de 70%, présumant de la possibilité de « tirer » bien plus long encore. Le tout bien entendu au prix d’une diminution drastique de l’autonomie. Harley assure cependant que l’on peut atteindre une vitesse avoisinant les 180 km/h si l’on opte pour un mode Sport.
Ce dernier n’était cependant pas disponible lors de notre essai et se doit d’être particulièrement énergivore. Sachant qu’en 10 minutes de roulage environ nous sommes passés de 74 à 54 % de charge de batterie, avec quelques pointes de vitesse seulement, une séance photo et des travellings, autant dire que l’on sait ce qui pèche sur la H-D électrique actuellement (NdRC : d’un autre côté, c’est logique, la Zero SR essayée par ma pomme développe une puissance équivalente mais a une batterie deux fois plus grosse. CQFD…)
Harley en Live !

Les 74 ch sont bien présents et procurent grâce au couple immédiat des accélérations efficaces dans un bruit…étonnant. Jugez vous-même avec la vidéo ci-dessous !
Car côté partie cycle, le cadre en aluminium coulé est bien né et son traitement gris mat lui donne belle contenance. Si Harley nous vend un « châssis agile, un pilotage sûr et précis », il convient de relativiser. La géométrie de la moto est surprenante, avec une répartition des masses singulière. Les demi-tours sont faciles et braquer n’est pas un problème. Agréable et stable, la LiveWire semble adaptée à une conduite urbaine et périurbaine. L’amortissement, par contre, requerra quelques adaptations pour un revêtement moins en forme que celui d’un circuit. Globalement, il est en mesure d’encaisser les bon freinages de l’unique disque de frein avant et de son étrier 2 pistons aussi efficace à l’avant qu’à l’arrière. Un point à noter : le frein arrière est puissant, ce à quoi Harley ne nous a pas habitués. Et si la révolution était là ?? Rappelons que la LiveWire est dotée d’un système de récupération d’énergie à la décélération, lequel agit également comme frein moteur.
On n’est donc pas toujours tenté de freiner. Quoi qu’il en soit, les pneumatiques au profil très particulier, rond à l’avant, carré ou presque à l’arrière, induisent un comportement assez surprenant avec une moto tournant en deux temps. Une fois engagé sur l’angle, par contre, rien à redire, la stabilité est au rendez-vous, et les picots des repose pieds ne rechignent pas à venir lécher le sol, tandis que la moto prend un bel angle.
BILAN
Même s’il fut frustrant de rapidité, ce contact avec la H-D LiveWire a permis de prendre la mesure d’un concept des plus abouti. Performant, cohérent, le concept de moto électrique Harley Davidson prend tout son sens, et surtout le bon sens. Les accélération immédiates et la nervosité électrique sont contrées par un empattement paraissant assez long, tandis que l’on apprécie surtout le look général de la moto, de toute beauté. Si les Californiens de Zero Motorcycles ont pris une longueur d’avance en matière d’autonomie et de performances, la puissance du réseau Harley tout comme des moyens financiers élevés pourraient bien apporter une solution de moto électrique « grand public ». C’est en tout cas ce que l’on peut souhaiter au vu de l’expérience LiveWire.
La vidéo de l’essai :
FICHE EXPRESS
NOTES (dans la catégorie)
Finition : | 8/10 |
Équipements : | 8/10 |
Confort : | 7/10 |
Protection : | 8/10 |
Moteur : | 8/10 |
Partie-cycle : | 7/10 |
Budget : | Prototype pour le moment ! |
NOTE GLOBALE
7,7/10
ON AIME : | ON N’AIME PAS : |
+ Le format compact original | – Voir l’autonomie fondre comme neige au soleil en mode Power |
+ Le comportement moteur généreux | – Devoir brider la performance (frustrant !) |
+ La qualité de l’équipement et de la finition | – Attendre pour recharger… |
+ L’attitude au guidon | – Si peu rouler avec (frustrant bis) |
+ Le temps de recharge voulu court |
Par Benoît Lafontaine, photos Harley-Davidson